Aujourd’hui, nous allons vous proposer un autre article sur la thématique de pâques. Cependant, pour cette semaine et pour celles à venir, nous allons laisser de côté les recettes pour nous concentrer plus sur les traditions en elles-mêmes. Cette fois-ci, nous allons vous emmener en voyage au sud-est de la Pologne, dans les régions de Podkarpacie (Subcarpathie), Małopolska (Petite-Pologne) et Śląsk Cieszyński (Silésie de Cieszyn) qui sont les seules à célébrer la tradition que nous allons décrire - Palenie Judasza, dont le nom français est, selon les sources, la "Crémation de Judas", "l'Incendie de Judas" ou encore la "Brûlure de Judas". En général, on la célèbre le Jeudi Saint, c'est à dire le jeudi précédant Pâques.
Le Palenie Judasza consiste en une procession pendant laquelle, selon les endroits, on noie, torture, flagelle, pend, brûle ou encore fait exploser un personnage à l’effigie du personnage biblique de Judas. Parfois même plusieurs choses à la fois. Tout cela dans le but de se venger de lui, qui a vendu le Christ pour trente pièces d’argent, ce qui a entraîné sa mort. Suffisant pour s’attirer une haine éternelle et pour devenir la figure du traitre par excellence. Même si, selon les manières d'interpréter, il pourrait s'agir de l’instrument divin qui, réellement, a rendu possible la mort et la résurrection du Christ, base de la chrétienté et du salut... On ne va pas vous mentir, cette dernière interprétation vient entre autres de l'écrivain argentin José Luis Borges. Laissons-la de côté pour revenir à notre sujet. Les procédés mis en place pendant la Crémation de Judas rappellent étrangement une autre tradition que nous avons déjà décrit l'année dernière - celle de la Marzanna (regardez ici si vous avez envie d'un petit rappel) !
En effet, la crémation de Judas est une tentative de l'église de remplacer la tradition païenne par quelque chose de plus catholique... Mais l'église a fini par faire demi-tour, car la tradition est devenue relativement controversée. On s'est rendu compte que le fait de torturer une effigie humaine en guise de vengeance était déjà, en soi, pas si catholique (n’oublions pas qu’il faut aimer même ses ennemis, et qu’il faut savoir pardonner !). A cela s'ajoutent divers excès de violence des participants de la fête, puis... La progressive assimilation de la figure de Judas avec les juifs - non seulement en raison de la provenance du personnage, mais aussi en raison de la proximité étymologique entre son nom et le mot "juif" dans de nombreuses langues européennes (à un tel point que certains commençaient à appeler la fête « la Crémation du Juif » !) - devenant particulièrement problématique au début du XXè siècle et, surtout, après la seconde guerre mondiale. Ainsi donc, dans le cas de la grande majorité du territoire polonais, nous sommes revenus à l'ancienne tradition de la Marzanna - figure représentant l'hiver et la mort.
Comme nous l'avons déjà mentionné au début de l'article, la tradition de Palenie Judasza est restée présente dans seulement trois régions du sud-est de la Pologne (pour rappel : Podkarpacie, Małopolska et Śląsk Cieszyński). Mais il ne s'agit pas d'une tradition seulement polonaise - elle était relativement généralisée dans tout le monde catholique et reste célébrée de nos jours entre autres dans certaines régions de la République Tchèque (où elle est même considérée patrimoine culturel de l'UNESCO !), Slovaquie, Grèce, Espagne, Autriche, Allemagne, Chypre... Mais aussi en Amérique du Sud, notamment au Mexique, Venezuela, Uruguay, Pérou, allant jusqu'aux Philippines en Asie ! Et quant à la France… Il paraîtrait qu’on célèbre la Crémation de Judas dans certains coins de l’Alsace.
Qu'en-est-il de vous ? Connaissiez-vous la tradition ? A-t-elle été célébrée dans votre région ? N'hésitez pas à partager avec nous dans les commentaires.